Cette réunion à l’Elysée où la restitution des œuvres d’art africaines est devenue réelle

Title: Cette réunion à l’Elysée où la restitution des œuvres d’art africaines est devenue réelle
Author: Maryline Baumard
Media Outlet: Le Monde
Publish Date: November 25, 2018

Pour convaincre le public de TV5 Monde, comme ils ont convaincu l’Elysée, les deux auteurs du rapport, qui sort en livre ce mardi, (Restituer le patrimoine africain chez Philippe Rey/Seuil 190 pages, 17 euros), rappellent comment à Bafoussam au Cameroun (plus précisément à Foumbam), les chefs traditionnels conservent leur patrimoine. « C’est une manière excessivement différente de ce qu’on connaît dans les musées occidentaux, estime l’historienne. Il y a des objets qu’on peut sortir des musées pour certains rituels et qui y retournent ensuite ». Felwine Sarr ajoute même que « les sociétés sont imaginatives » et ont inventé « une pluralité de mode d’accueil » qui ne passe pas toujours par « le musée classique très XIXe siècle ». Il « a sa cohérence interne, estime l’économiste, mais n’est pas le seul modèle ». Pour l’auteur d’Afrotopia, essai majeur sur l’avenir de l’Afrique, « un universel qui se respecte est pluriel et prend en compte la pluralité des occurrences ». Autre façon de dire qu’il faudrait un peu sortir de l’idée que le vieux monde est le seul à être capable de conserver des pièces artistiques et que le musée est le seul modèle qui vaille pour entreposer l’art.

Aujourd’hui, deux jours après la remise du rapport, Felwine Sarr espère que ces avancées sur l’art, esquissent aussi une autre politique plus globale entre la France et l’Afrique. « Ce qui s’écrit là va plus loin que le retour d’œuvres d’art. Ces objets deviennent les médiateurs d’une nouvelle relation », ajoute l’intellectuel. « Souvent le débat se limite aux discussions techniques… Mais ce que les sociétés africaines réclament c’est un acte de considération », pointe encore celui qui ajoute que « l’espace artistique est un espace symbolique. Un espace tectonique. Si cet espace se met en mouvement ça déborde sur les autres lieux de la relation ».

Les grands changements dans les sociétés sont déjà dans les imaginaires avant de déchirer la trame de l’histoire (…). L’espace de l’imaginaire a une puissance disséminatrice excessivement forte. Pour moi le grand enseignement à tirer c’est que si on refonde les modalités relationnelles dans cet espace-là, on peut les refonder ailleurs dans l’espace économique, dans l’espace du politique et je ne vois aucune raison pour qu’on ne puisse pas le faire », insiste celui qui estime que l'« art est un levier pour le reste ». « Il y a un moment où on ne peut plus aller contre l’histoire », ajoute pour sa part Bénédicte Savoy.”